Pseudomonas aeruginosaa
été isolé pour la première fois en 1882 par Gessard. Il l’a appelé Bacillus
pyocyaneus. C’est en 1862 que Luke a mis en oeuvre l’implication de P.aeruginosadans
des infections chez l’homme. Il a observé des particules de forme circulaire dans
un pus de coloration bleu-vert. La même coloration a été observée par Sedillot.
C’est le pigment pyocyanique (la pyocyanine) produit par P. aeruginosaqui
est à l’ origine de cette coloration. La pyocyanine est diffusible dans le
milieu extracellulaire, d’où le nom du bacille pyocyanique (Chaker .2012).
P.aeruginosa (coloration de Gram) |
1. Taxonomie
Pseudomonas aeruginosa (P. aeruginosa) est une bactérie de la famille des Pseudomonadaceae. Le genre Pseudomonas regroupe 7 espèces : P.chlororaphis, P. fluorescens,
P. pertucinogena, P. putida, P. stutzeri et P. syringae, P.aeruginosa. Cette
dernièreest l’espèce type de ce genre.
Tableau : Taxinomie de P.
aeruginosa (Chaker, 2012).
2. Caractéristiques bactériologiques
P. aeruginosaest connue depuis
longtemps sous le nom de Bacillus pyocyaneus(bacillepyocyanique) ou
agent du pus bleu des plaies surinfectées. Il s’agit d’un bacille à
Gramnégatif non sporulant. Il mesure 1 à 5 μm de long et 0,5 à 1 μm de large.
P.aeruginosaest une bactérie motile grâce à la présence d’un flagelle
monotriche polaire.
Cette bactérie est mésophile. Elle est capable de se développer
dans des températuresallant de +4°C à +45°C. La température optimale de
croissance se situe entre 30 et 37°C. C’est une bactérie aérobie et possède un
métabolisme oxydatif. Elle utilise l’oxygènecomme accepteur d’électrons mais en
absence de ce dernier, elle peut utiliser les nitratescomme accepteur d’électrons
(Vasil, 1986).
3. Génome
Le génome de P. aeruginosaa été entièrement séquencé en
2000. Il s’agit d’un des plus grandsgénomes bactériens connus avec 6,3 méga
bases codant 5570 cadres de lecture de la souche modèle PAO1 (Stoveret al. 2000).
Six autres souches ont été entièrement séquencées : PA14, PA7,
LES, B58, C3719 etPA2192 (seules les trois premières souches sont complètement
annotées) (Lee et al. 2006 ;Matheeet al., 2008; Winstanleyet al.,
2009). La taille de ces génomes varie entre 5 et 7 mégabases.
Des études sur les génomes de plusieurs isolats cliniques et
environnementaux de P.aeruginosaont montré une forte conservation du
contenu génomique. Particulièrement, les déterminants des facteurs de virulence
sont fortement conservés (Wolfgang et al. 2003a).
P. aeruginosapossède un nombre
important de gènes impliqués dans des systèmes de régulation et des fonctions
métaboliques. Le taux des gènes impliqués dans larégulation (8,4%) est élevé par
rapport aux autres bactéries ; ces gènes représententrespectivement 5.8% et
5.3% des génomes d’Escherichia coli et Bacillus subtilis. Les
autresgènes surreprésentés par rapport aux autres bactéries sont ceux codant
pour les pompesd’efflux, les systèmes d’import de nutriments et les systèmes de
chimiotactisme (Stoveret al.2000).
Cette diversité lui confère une grande adaptabilité face à son
environnement. P.aeruginosaest capable de métaboliser plus de 50
composés organiques et des composésinorganiques (Vasil,1986). Elle peut donc se
développer dans de nombreuses nichesécologiques, même si elles sont pauvres en
nutriments.
4. Habitat et distribution environnementale
P. aeruginosaest largement répandu
dans l’environnement. C’est une bactérieubiquitaire. Elle peut vivre à l’état
saprophyte dans l’eau, le sol, les végétaux, les solutionsantiseptiques et sur des
surfaces inorganiques (Floret, 2009; Green et al., 1974). Cette
bactérieest également présente dans le tube digestif et sur la peau des
mammifères. P. aeruginosaesttrès présente en milieu hospitalier et elle
est responsable de nombreuses infectionsnosocomiales (11% des infections
nosocomiales). Dans son environnement naturel, ellevit sous forme planctonique,
mobile ou à l’état sessile dans un biofilm, attachée àune surface inerte ou une
source de substrat.
5.Résistance aux antibiotiques
Employer des antibiothérapies répétitives contre P. aeruginosa a été à l’origine d’une augmentation des taux de mortalité chez les personnes infectées (Chung et al., 2011;Comettaet al., 1994; Harris et al., 2002; Kollefet al., 2008; Miceket al., 2011; Rello et Diaz, 2003).
Au cours des dernières décennies, il y avait dans le monde, une émergence rapide de souches multirésistantes de P. aeruginosa. Ces souches ont acquis une résistance à presque toutes les classes d'antibiotiques antipseudomonas disponibles, y compris celles à large spectre tellesque les pénicillines, les céphalosporines, les carbapénèmes, les aminosides et les fluoroquinolones (Carmelietal.1999; Fish et al., 1995; Kollefet al., 2008; Quinn et al.,1986; Seoket al., 2011; Vettorettiet al., 2009).
Les infections causées par des souches multirésistantes représentent un problèmemajeur. Elles augmentent le risque d'échec thérapeutique (Maedaet al. 2008 ; Sabudaet al.2008). Elles sont
également à l’origine de bactériémies, d’une forte mortalité et des coûts deprise en charge des malades considérables (Giamarellou, 2002 ; Kollefet al. 2008 ; Sostarichet al. 2008).
P. aeruginosaa une remarquable capacité de développer une résistance à la plupart desagents antimicrobiens par de multiples mécanismes. Un de ses mécanismes de résistance estlié à sa capacité de changer de phénotype en mutant d’une souche invasive non mucoïde à une souche mucoïde surexprimant l’alginate, une matrice d’exopolysaccharide favorisant une colonisation pulmonaire chronique (Martin etal.,1993). La mutationresponsable de la forme mucoïde (muc) est associée à l’activation de la transcription du gènede l’alginate algD. La région responsable des formes mucoïdes et non mucoïdes contient troisgènes étroitement liés algU, mucA, et mucB.
AlgU est un régulateur positif, mucAet mucB constituent le cluster de gènes contrôlant la conversion à la forme mucoïde. Une importanteactivation de la transcription d’algDet la
conversion à la souche mucoïde sont observéesquand mucAou mucBsont inactivés au niveau du chromosome des souches initialement nonmucoïdes. La production locale, par P. aeruginosa,
d’exopolysaccharides (alginates)provoque la formation d’un biofilm enrobé d’une matrice d’exopolysaccharides (Costertonetal.,1999).
Des mécanismes de résistance intrinsèque sont également à l’origine d’une résistanceaux antibiotiques (Stoveretal.,2000). Ces mécanismes résultent d’une synergie entre unefaible
perméabilité de la membrane externe et la formation de pompes d’efflux spécifiques appelées Mex (multidrug efflux systems) incluant MexAB-OprM et MexXY-OprM. En plusde cette résistance intrinsèque, il existe trois autres systèmes MexCD-OprJ, MexEF-OprN et MexJKOprM qui sont à l’origine d’une multirésistanceaquise (Lister etal.,2009; Nakamuraet al., 2008; Vettorettiet al., 2009). Cette dernière résulte de mutations causant une hyperactivation des gènes qui codent pour les systèmes d’efflux (Barbier and Wolff, 2010;Maedaet al., 2008; Rodriguez-Martinez et al., 2009). L’hyperexpression acquise des systèmesnaturels d’efflux est un mécanisme majeur de multirésistance chez P. aeruginosa(Lister etal.,2009). Les mutations
activatrices portant sur l’opéron MexAB-oprM (expression constitutive faible) sont les plus fréquemment impliquées dans l’émergence des résistancesaux β-lactamines.
En plus de ces mécanismes de résistance, la bactérie peut produire certaines enzymesinactivatrices comme dans le cas des aminosides (Bonomoetal.,2006) ou muter les gènesdes topoisomérases II (gyrA) et IV (parC) (Lister et al.,2009). Les souches multirésistantes peuvent cumuler plusieurs mécanismes de résistance par mutations et acquisitions de gènes(Dubois etal.,2001; Lolanset al., 2005).